C’est le 11 novembre 1988 (il y a 29 ans) que se déroula le premier rassemblement de Gentioux.
Bien sûr, le terme de rassemblement est un peu fort si l’on retient que nous devions être une douzaine devant le monument ! Ce rassemblement était le produit de l’initiative des trois fédérations du Limousin de la Libre Pensée et de leurs présidents respectifs à savoir René DEBORD pour la fédération de la Creuse, Pierre FORESTIER, pour celle de la Haute-Vienne et Jean-Louis CROUZEVIALLE pour la Corrèze. Il s’agissait là de renouer avec les traditions pacifistes de la Libre Pensée en mettant en pleine lumière le magnifique monument de Gentioux expression populaire du refus de la guerre.
Deux ans plus tard, ce rendez vous annuel ayant survécu, nous avons décidé de constituer une association pour ouvrir notre rassemblement à toutes les composantes du mouvement pacifiste, aux organisations ouvrières et démocratiques. Cette association c’est le Comité laïque des amis du monument aux morts de Gentioux (CLAMMG), que tout le monde, par commodité, appelle maintenant le « comité de Gentioux » . La constitution du comité a été publiée au JO du 28 février 1990.
D’emblée nous avons eu des difficultés avec la préfecture de la Creuse à propos de l’enregistrement de nos statuts. En effet, nous avons été menacé d’un recours devant le TA si nous ne faisions pas disparaître toute référence à l’antimilitarisme la chose étant paraît il interdite en France. Formellement nous avons donné satisfaction au fonctionnaire pointilleux n’ayant ni le temps, ni l’objectif de nous lancer dans de la procédure juridique stérile.
Nous avons aussi eu à gérer des tensions avec monsieur DESROZIER – maire de Gentioux – qui, probablement, trouvèrent leur source dans une communication difficile créant un contexte d’incompréhension réciproque. Les choses aujourd’hui se sont apaisées et le comité entretient des relations courtoises et constructives avec la municipalité.
Dés lors, notre rassemblement s’est définitivement imposé dans le paysage militant régional.
Pour poursuivre ce travail contre la guerre et le militarisme nous nous sommes alors intéressés aux événements du camp militaire de la Courtine qui ont vu 10300 soldats Russes se mutiner contre la guerre durant l’été 1917.
Les recherches effectuées, notamment, aux archives départementales de la Creuse, nous ont permis d’éditer une première brochure en 1997, pour le 80ème anniversaire de la révolution d’octobre, sous le titre « Creuse 1917-1922 du soviet de la courtine au monument aux morts de Gentioux ». Cette brochure militante, jetait ainsi un pont entre La Courtine et Gentioux géographiquement séparés par moins de trente kilomètres et historiquement unis par une lutte commune contre la barbarie de la guerre: durant l’été 1917 les soldats russes proclamaient à la Courtine « A bas la guerre » et en 1924 la population de Gentioux et ses anciens combattants meurtris comme le maire Jules COUTAUD répondirent en écho «Maudite soit la guerre».
En avril 1999 nous avons publié une brochure intitulée « Histoire de Félix BAUDY maçon Creusois, syndicaliste. De Royère au peloton d’exécution » qui racontait l’histoire tragique de cet enfant du pays fusillé pour l’exemple en avril 1915. Cette brochure constitua le point de départ de notre travail pour la réhabilitation de tous les fusillés pour l’exemple.
C’est en 2006 que s’est imposée l’idée de faire ériger un monument à la mémoire des soldats Russes qui, à la Courtine avaient écrit une des plus belles pages de l’internationalisme des peuples. Cette idée a été unanimement validée par les camarades de la Fédération de la Creuse de la Libre Pensée. Cette perspective eut d’emblée le soutien de monsieur le maire de la Courtine, Jean Marc Michelon qui a toujours été constant dans son engagement à nos côtés. En 2007, à l’occasion du congrès national de la Libre Pensée à Clermont-Ferrand, fut lancée la nécessaire souscription pour financer le projet. Les premiers chèques furent collectés.
Il fallut ensuite concevoir et réaliser le monument et nous avons rencontré là des difficultés techniques mais aussi des difficultés qui ont à voir avec le poids de certains égo. Après des mois de tergiversations, nous avons surmonté ces difficultés et les choses ont commencé à prendre corps.
Nous avons obtenu des responsables de l’EMB de Felletin (école des métiers du bâtiment) que ce soient des jeunes de la section taille de pierre, avec leurs professeurs messieurs Julio CHINARO et Robert MARCHIO qui assurent la réalisation de la partie granit de notre monument. Il nous semblait que, sur le plan du symbole, il y avait là quelque chose de fort de voir ces jeunes s’impliquer dans notre projet après qu’en salle de cours, nous leur ayons exposé l’histoire de la mutinerie.
La réalisation du bas-relief, pièce centrale du monument, fut un véritable parcours du combattant du fait d’une défection pénalisante et d’un choix technologique initial qui s’est avéré non réalisable. Quoi qu’il en soit en mobilisant des ressources inattendues comme un architecte du Puy de Dôme jamais rencontré, un professeur de Russe à la retraite en Lozère et un artiste peintre creusois, nous avons surmontés tous les obstacles. Au bout de la chaine Julie SAVARY, jeune artiste Clermontoise a réalisé le bronze que vous connaissez, qui traduit si bien le bel élan révolutionnaire des mutins de la Courtine.
La question de l’achat de la concession au cimetière étant réglée, il ne restait plus qu’à procéder à l’assemblage de tous les éléments du puzzle. Ce fut chose faite à l’issue d’une belle journée de juillet 2012 durant laquelle nous nous sommes retrouvés à la Courtine sous la direction experte de Julio CHINARO et Robert MARCHIO les deux professeurs déjà évoqués.
Il faut rappeler que la souscription nationale lancée en 2007 pour financer le projet avait été close à 136 souscripteurs pour un montant de 6076€. Le conseil général nous avait par ailleurs octroyé une subvention exceptionnelle de 200€. .
Le 15 septembre 2012 ce fut l’inauguration en présence du regretté Marc BLONDEL alors président de la fédération nationale de la Libre Pensée, de monsieur le maire, de monsieur Philippe BREUIL conseiller général (avant que ceux ci ne deviennent des conseillers départementaux et que ne disparaisse le canton de la Courtine), de monsieur Guy AVIZOU, représentant monsieur le président du conseil général. Cette journée restera pour nous tous un événement inoubliable avec trois cent personnes rassemblées autour du monument dissimulé sous une draperie rouge, avec le message émouvant délivré par Éric MOLODTZOFF petit fils de mutin, avec le vin d’honneur et le banquet fraternel qui suivit.
A l’occasion de cette journée historique, une nouvelle brochure avait été éditée par nos soins, sous le titre « Creuse 1917, Histoire du Soviet de la Courtine ».
Voilà résumé en trois pages vingt neuf ans d’activité militante autour de la question du pacifisme et de l’antimilitarisme. Rien n’est réglé, et nous allons devoir persévérer.