Le 15 septembre 2012 fut une journée magnifique à la Courtine, magnifique parce que la météo y fut clémente mais magnifique surtout du fait de l’exceptionnel événement qui s’y est déroulé à savoir, en présence de Marc BLONDEL président de notre fédération nationale, l’inauguration du monument dressé à notre initiative, à la mémoire des 10300 soldats russes qui durant l’été 1917 furent internés puis écrasés par les armes au camp militaire de La Courtine.
Nous étions environ deux cent trente à nous être rassemblés pour la circonstance au cimetière de la Courtine, autour d’un monument mystérieux, drapé sous son voile rouge qui ne laissait entrevoir que les colonnes de granit et leur socle respectif.
J’ai eu l’honneur au nom de la fédération de la Creuse de la Libre Pensée d’accueillir et de remercier les personnalités présentes :
monsieur Jean Marc MICHELON maire de La Courtine qui a toujours soutenu notre projet, et qui a su nous faciliter l’organisation de cette journée.
monsieur Guy AVIZOU vice président du conseil général, représentant monsieur Jean Jacques LOZACH président du conseil général qui nous a alloué une subvention exceptionnelle pour aider au financement du projet. L’intervention éruditede monsieur Guy AVIZOU a été appréciée de tous.
monsieur Philippe BREUIL conseiller général du canton qui a défendu notre cause.
Madame Josiane Garnotel représentante de la société des sciences de la Creuse qui a déjà consacré plusieurs études à la question de la mutinerie des soldats russes en 1917.
C’est avec grand plaisir aussi que j’ai pu remercier les représentants du lycée des métiers du bâtiment de Felletin, Julio CHINARRO enseignant de la filière taille de pierre, filière dont les élèves ont réalisé la partie granit du monument, et Laurent LHERITIER responsable administratif des différentes filières de formation de ce bel établissement qui fait vivre dans la région la tradition des maçons de la Creuse. Bien qu’absent, il n’était pas possible d’oublier Robert MARCHIO lui aussi professeur mais à la retraite maintenant qui n’a jamais désespéré de notre capacité à mener ce projet à son terme.
Et bien sûr aussi, remercier Julie SAVARY, jeune artiste Clermontoise dont le talent a permis de si bien transcrire dans le bronze le bel allant révolutionnaire des mutins de la Courtine sans oublier bien sur les cent trente-six souscripteurs qui nous ont fait confiance et sans lesquels rien de tout cela n’aurait été possible
C’est à Eric MOLODTZOFF petit fils de l’un des mutins de 1917 qu’il revint de dévoiler le monument aux yeux de tous, initiative qui fut suivie d’applaudissements nourris et approbateurs de la part d’une assistance conquise par l’esthétique de l’ensemble
Ce rassemblement fut empreint de solennité, de respect, d’émotion et de satisfaction du devoir accompli
Solennité lorsque fut évoquée une nouvelle fois l’extraordinaire épopée de ces hommes courageux de la première brigade, envoyés sur le front Français en avril 1916 suite à un accord entre le Tsar Nicolas II et les autorités françaises au terme duquel des ouvriers et paysans russes étaient échangés contre des fusils. Solennité et respect lorsque fut retracé leur parcours politique passant de la résignation initiale à mourir par milliers sur ces terres inconnus du front français à la plus grande détermination révolutionnaire. En effet, sous l’aiguillon des événements politique en Russie marquée par la chute du Tsar, ces hommes décidèrent de ne plus verser leur sang pour une cause qui n’était pas la leur. Respect, face à leur obstination, drapeau rouge déployé, a ne pas céder sur leur exigence de rapatriement immédiat en Russie, alors qu’ils étaient sous la menace d’un assaut au camp de la Courtine. Respect toujours devant leur inébranlable unité, construite autour de leur soviet, pointe avancée de la révolution russe sur le territoire français.
Emotion lorsque Eric MOLODTZOFF dévoila le monument et pris la parole pour nous parler de son grand-père Michel MOLODTZOFF. Il conclut son propos en disant : « Je voudrais dire qu’il connu la France en guerre, l’ abomination des champs de bataille et la répression. Mais il connu aussi un autre visage de la France : Celle qui lui accorda la nationalité française en 1930, celle qui lui donna du travail, celle qui lui permit de se marier et de fonder une famille. C’est ce visage là de la France que je souhaiterais voir associé au souvenir de mon grand-père ».
Emotion aussi lorsque fut lu le message du fils de l’un des mutins russes de 1917, Jean GRAVILENKO et celui de Rémy ADAM historien qui a beaucoup œuvré pour que cette épopée ne sombre pas dans l’oubli.
Emotion enfin lorsqu’au terme des prises de parole, Luc sur son accordéon lança les premières notes de l’Internationale reprise par toute l’assistance regroupée autour du monument
A ce stade de la journée nous avions tous le sentiment d’avoir effacé une injustice, d’avoir rétablie la vérité historique : c’était notre responsabilité et nous l’avons assumée, nous leur devions bien ça.
A l’issue les participants au rassemblement se sont retrouvés sous un chapiteau pour, un vin d’honneur fraternel où les uns et les autres trinquèrent joyeusement tandis que démarraient des discussions qui purent à loisir se poursuivre dans le cadre du banquet ou se retrouvèrent cent quarante-neuf d’entre nous. Le menu fut apprécié par sa note un peu festive et le repas fut agréablement agrémenté de chants de circonstances par la chorale DROUJBA de Limoges.
Notre camarade Pierre ROY y fit une intervention judicieuse pour rappeler qu’il nous fallait inlassablement poursuivre la campagne pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple campagne qui trouvait une résonance particulière dans le cadre de notre commémoration de la mutinerie des soldats russes.
La journée s’est terminée par la projection du film « MILLEVACHES mémoire rebelle »réalisé par Benjamin PROST dans lequel est donnée la parole aux habitants de la Courtine sur les événements de 1917.
Si j’en crois les témoignages recueillis auprès des uns et des autres, cette journée restera ancrée dans la mémoire de ceux qui avaient fait le déplacement à La Courtine.
« A bas la guerre » proclame maintenant le monument de La Courtine, reprenant en cela un des mots d’ordre des mutins, en écho au « Maudite soit la guerre » du monument de Gentioux à vingt-cinq kilomètres de distance, et autour duquel nous nous retrouverons le 11 novembre prochain.
Remerciements à tous ceux qui ont apporté leur contribution pour la réussite de cette journée ;
Vive la mémoire des mutins russes de la Courtine,
A bas la guerre !
Régis PARAYRE